Carnet 2 : Blog de Ph. Zaouati

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Une centaine de Juifs européens favorables à la solution « Deux peuples, deux Etats », membres de JCall, se sont rendus en Israël et en Cisjordanie du 27 avril au 5 mai 2013 pour envisager sur le terrain les différents aspects de la réalité israélo-palestinienne. Ils sont allés à la rencontre de responsables politiques et de citoyens engagés dans ce conflit et à la recherche de solutions pour y remédier. Pour tous, ce fut des moments intenses de confrontation avec la réalité (Sdérot, Hébron) et avec les acteurs de cette réalité (israéliens, palestiniens, musulmans et chrétiens arabes d’Israël). Plusieurs d’entre eux ont tenu un carnet de bord, rédigés des articles, pris des photos et des vidéos, tracés des croquis… Nous vous présentons quelques extraits de ces travaux inspirés par l’urgence et la complexité des questions posées.

 Maintenant, quelques morceaux choisis sur le blog tenu par Philippe ZAOUATI pendant sa participation au périple politique de JCall.(Cliquez pour vous connecter à son blog, code : sderot)  

“Avant de partir …

 Au sein de JCall, nous militons pour une “solution à deux états”. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis ni un gauchiste, ni un tiers-mondiste caricatural, ni même un militant de mouvement pacifiste. Mais, comme tous les juifs du monde, je suis plongé dans ce conflit depuis ma petite enfance. En novembre 1977, j’avais 11 ans, j’ai écrit un long poème de pré-adolescent lyrique sur la visite de Sadate à Jérusalem. C’était il y à plus de 35 ans ! Je ne me sens pas l’âme aussi poétique qu’à cette époque et je me demande simplement : que puis-je faire ? Que faire pour aider les hommes et les femmes d’Israël dont je me sens si proche à s’inventer un destin sans conflit ? Ai-je le droit tout simplement d’exprimer un avis ?

A ces questions, il m’a semblé que la première réponse était d’essayer de comprendre, de laisser de côté un instant la vérité partielle que nous renvoie les écrans de télévision, et de voir sur place (“avant de prendre la parole, il faut aller là-bas” comme le dit Patrick Bruel dans une de ses chansons), d’écouter les uns et les autres, d’échanger, d’imaginer le rôle que, nous juifs de la diaspora pouvons jouer. Quand David Chemla m’a proposé de participer à ce voyage, j’ai donc pour une fois fait quelques entorses à mon agenda et j’ai trouvé le temps.

Je pars avec un groupe dont les idées sont claires, mais les miennes ne sont pas pour autant arrêtées.

Pourquoi ai-je pourtant l’intuition que la solution à deux états est la seule possible, la seule capable de pérenniser le rêve du sionisme démocratique, tout en inventant une nouvelle ère pour les juifs d’Israël et d’ailleurs ? Parce que notre monde change à une vitesse extraordinaire et que ce conflit de territoires est une entrave absurde, une anachronie. Pour tous les peuples du monde, la géographie a toujours dicté sa loi à l’Histoire, ce sont les fleuves et les montagnes qui créent les pays et les cultures et non l’inverse. Les juifs sont une exception. Avec la diaspora, c’est l’Histoire du peuple juif qui a dicté sa loi à la géographie. Aujourd’hui, la nouvelle géographie est celle du virtuel, des réseaux, de l’intelligence. Les israéliens sont merveilleusement placés dans cette nouvelle géographie, ils s’y déplacent avec aisance, comme les juifs ont parcouru les territoires de l’Europe depuis deux millénaires. Voilà l’avenir. Il faut retrouver le sens de l’Histoire.

Merci de m’accompagner pour cette semaine de rencontres et de découvertes.

Bilan … provisoire

Voici venu le moment de faire un bilan de cette semaine de voyage en Israël et dans les territoires palestiniens. Nous avons rencontré beaucoup de monde, des israéliens, juifs et arabes, des habitants des implantations, des officiels palestiniens, des députés israéliens de bords différents, des spécialistes de la sécurité, des anciens militaires, des journalistes, des habitants des camps de réfugiés. Cela couvre à peu près tous le spectre du côté israélien, sans doute pas du côté palestinien puisque nous n’avons rencontré ni le Hamas, ni les diverses factions palestiniennes qui prônent encore une disparition de l’état juif.

J’ai décrit au fil des jours ce que je voyais et j’entendais de la façon la plus neutre possible, même si quelquefois il était difficile de cacher mes réactions, que ce soit de l’énervement face à des visions “gauchistes” angéliques, ou de l’immense tristesse au pied du mur de séparation ou à Hébron. Maintenant, quelles sont les leçons que je tire, plus personnellement, de ce voyage ?

1- Que les palestiniens et les israéliens, juifs et arabes, vivant ensemble, dans un même espace, un même état, en partageant le pouvoir et les décisions, de façon pacifique, est une utopie irréaliste à un horizon visible. Bien sûr, l’espoir est toujours permis, nous avons vu des expériences encourageantes, à Givat Haviva ou à Neve Shalom, et qui aurait imaginé il y a 60 ans que les premiers ministres d’Israël et d’Allemagne se feraient une accolade à Jérusalem ? Mais, ici sur le terrain, les haines sont fortes, le désir de revanche ou de retour est toujours présent dans les camps palestiniens, les dirigeants de Gaza sont des extrémistes, la poussée des religieux est manifeste dans les deux camps, les israéliens ont globalement peur de leurs voisins et les faits leur donnent souvent raison, le messianisme des colons est effrayant, … j’en passe.

2- Que la situation des palestiniens en Cisjordanie est inacceptable, d’un point de vue moral. Oublions le conflit, les causes, la rhétorique des uns et des autres et concentrons nous un instant sur les faits, sur la situation sur le terrain : plus de 3 millions de palestiniens vivent sans droits réels, sans citoyenneté, sans passeport leur permettant de voyager librement. Bien que sous administration israélienne depuis 45 ans, leur niveau de vie est 24 fois inférieur à celui des israéliens, et seulement 10.000 palestiniens sont autorisés à aller travailler en Israël. L’Autorité Palestinienne administre à peine 20% du territoire (ce qu’on appelle la zone A des accords “intérimaires” d’Oslo), sans aucune continuité territoriale. Pour aller d’une ville à une autre, pour aller travailler, les habitants de Cisjordanie doivent passer par l’un des dizaines de « checkpoints » chaque jour. Autour des grandes villes, tout autour de Jérusalem, aux pieds des maisons, à Ramallah ou à Bethlehem, un mur de plusieurs mètres de hauteur les séparent d’Israël. A Hébron, un quartier entier, au centre de la ville, autour du caveau des patriarches a été transformé en ville fantôme afin d’assurer la sécurité des 700 colons juifs qui vivent sur place.

3- Qu’une solution est possible, discutée, documentée, qu’elle a reçu le soutien de nombreux israéliens, des partis du centre et de la gauche, mais aussi d’officiers de réserve de l’armée, de la plupart des arabes israéliens, d’associations, de citoyens, que cette solution est aussi officiellement recherchée par les dirigeants de l’Autorité Palestinienne. Quelle est cette solution ? Deux états pour deux peuples. Une sécurité garantie pour Israël par un état palestinien démilitarisé et une force internationale. Des frontières qui suivent pour l’essentiel la ligne verte de 1967, avec des échanges de territoires permettant de conserver du côté israélien plus de 75% des habitants des implantations. Un droit au retour des réfugiés palestiniens exclusivement dans le nouvel état palestinien. Un partage de la souveraineté sur Jérusalem.

4- Que malheureusement la route vers cette solution est encore longue et incertaine. Je suis à vrai dire assez pessimiste, même si les israéliens que nous avons rencontré nous disent que pour eux le pessimisme n’est pas une option possible. Le gouvernement israélien depuis 10 ans est opposé à cette solution à deux états, subissant la pression des colons qui prônent l’annexion pur et simple de la Cisjordanie qui conduira à la ségrégation. La poursuite de la colonisation (multipliée par trois depuis Oslo) ne peut pas avoir d’autre but que cette annexion. Les dirigeants palestiniens sont quant à eux affaiblis par leur lutte interne avec le Hamas. Nul ne sait vraiment ce que donneront les futures élections en Cisjordanie et à Gaza. La solution ne peut venir aujourd’hui que d’une pression extérieure, des Etats-Unis bien sur, de l’Europe qui finance l’Autorité Palestinienne, de la diaspora juive aussi évidemment.

Volontairement, je ne pense pas utile de faire de la politique intérieure israélienne. Les habitants de ce pays ont construit en 65 ans un pays merveilleux, jeune, démocratique, fort, à la point de la technologie. En tant que juif, j’aime ce pays. Les israéliens ont les moyens de poursuivre cette aventure extraordinaire en choisissant délibérément le futur plutôt que le passé. Cela passe par une séparation avec les palestiniens. Un jour peut-être, le Moyen Orient suivra le chemin de la réconciliation que l’Europe a parcouru depuis la seconde guerre mondiale, mais ce sera plus tard. Aujourd’hui, il y a urgence.

 

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